vendredi 22 juillet 2016

Art et dimension sacrée


Quels sont les aspects significatifs du sacré dans les oeuvres humaines ? Tel était le propos d’Agnès Ferla, jeune peintre vaudoise, dans le cadre d’un « Connect Day » pour artistes. Une riche journée organisée par l’association ARTERS, le 18 juin au Mont sur Lausanne.
Voici quelques jalons de sa conférence.

L’image, la couleur, l’intention
Dans les Arts premiers, comme les fresques de la Grotte Del Castillo en Espagne, l’empreinte des mains symbolise le geste et l’action, mais a aussi une dimension sacrée.  
La symbolique des couleurs varie d’une culture à l’autre. Le blanc symbolise la paix, la pureté en occident alors qu’en Chine elle symbolise la mort. Le jaune est la couleur « capable de charmer Dieu » selon Van Gogh.


Le linceul de Turin est une relique qu’on pourrait considérer comme une œuvre d’art. Cet objet intouchable a pris une dimension sacrée parce qu’il aurait été en contact avec le Christ. Il reçoit ainsi une aura divine.

La fresque de l’onction de David par le prophète Samuel, dans la synagogue de Doura Europos, au
Musée de Damas, montre le prophète plus grand que les autres et David a une tunique plus vive. Les personnages qui remplissent une mission divine sont ainsi mis en valeur.

Dans l’icône de la vierge et de l’enfant du
monastère de Varatec en Roumanie, Marie apporte la vie et un avenir décisif à l’humanité. Elle porte une auréole comme Jésus. L’auréole indique qu’elle a été choisie par Dieu.  
La fresque de Michel-Ange du Jugement dernier dans la Chapelle Sixtine crée une ambiance divine, celle du ciel.  

Figures humaines et aura divine
La Joconde de Léonard de Vinci n’a pas d’auréole, mais un voile très fin au début de la racine des cheveux. La technique du sfumato rend le tableau mystérieux.

Le costume de sacre de Louis XIV par Hyacinthe
Rigaud indique que le roi est la race choisie par Dieu, mais il doit aussi lui obéir. Alors que la peinture religieuse peint un royaume ouvert à tous, ici on montre l’élitisme et l’exclusivisme.
Marc Chagall, dans son tableau « Le juif en vert » utilise la couleur verte du visage pour parler de l’envol spirituel. Dans beaucoup de ses peintures, les personnages volent

L’art porteur d’un message et d’une idéologie
Delacroix, avec « La liberté guidant le peuple » peint le soulèvement du peuple contre le roi
Charles X pour exprimer la lutte pour la justice. L’art fait un travail de mémoire, de communication d’une vision. Il est mis au service d’une idéologie.  
Giacomo Balla, dans « Speeding
automobile » appartient au futurisme italien qui fait l’éloge du progrès, et de la vitesse. L’art adule ici la puissance économique et technique.
Dans ce sens, la maquette de la Tour de Vladimir Tatlin, 1939 a la volonté de montrer la superpuissance soviétique. La tour devait mesurer plus de 400 mètres.
Pour contester cette instrumentalisation de l’art en Union Soviétique, Kasimir Malvitch a peint « Carré blanc sur fond blanc ». (1918) Il est aux débuts de l’abstraction et du mouvement
du Suprématisme avec des formes géométriques. Ce mouvement a été persécuté par les soviétiques car ils ne voyaient pas comment l’utiliser pour leur propagande. Le carré blanc sur fond blanc évoque l’absolu, l’inatteignable, et cela était mal vu.

Le retour à l’individu, l’oeuvre et le divin
La peintre mexicaine Frida Khalo a peint « Le cerf blessé ». Cet animal est riche en symbolisme, il relie le monde humain au divin.
F. Khalo a beaucoup souffert : le cerf est transpercé de flèches. Son visage est celui de Frida. Elle parle de sa condition de femme blessée dans ce tableau. Si on assimile le cerf au Christ, on peut voir son identification au Christ crucifié qui a porté ses souffrances. Ce tableau fait écho  à celui de Pisanello, « La vison de S. Eustache » qui met en scène un cerf portant la croix du Christ sur ses bois.
En conclusion, laissons la parole à Agnès Ferla :
« Quand je m’approche d’une œuvre, je le fais dans un esprit de respect et d’humilité. Elle est le fruit de l’idée, de l’inspiration d’une personne. Derrière chaque œuvre il y a une personne. Quelle est l’intention de l’œuvre d’art ? Qu’est-ce qu’elle provoque en moi ? Quelle émotion ? A chaque fois que je suis devant une œuvre, je me demande aussi quelle est sa dimension sacrée ».  

 Black is on Purple, tableau d'Agnès Ferla, 2011









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